8 novembre 2010

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Après avoir assisté à l’excellent spectacle

"c’est toujours ça de pris",

nous avons rencontré Vanessa Hidden et Stéphane Ly-Cuong à l’origine de ce petit bijou

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Dans le chaleureux petit Atelier Théâtre de Montmartre, tous les mercredis soir, Vanessa Hidden, dont la voix est un ravissement, raconte l’histoire d’une jeune fille totalement débridée aux travers des chansons inattendues (dont pas un mot n’a été changé), et un texte de liaison des plus comiques (écrit par Stéphane Ly-Cuong).

Le personnage qu’elle interprète va nous raconter quelle ne se rappelle plus du prénom de ses amoureux « J’m’embrouille », qu’elle aime bien boire « J’suis pocharde » ou qu’elle a des amis adeptes de « partie carré » ! Non, on vous l’a dit le texte n’a pas été modifié ! Ces chansons n’ont rien à voir avec celles d’aujourd’hui : elles sont construites, racontent une histoire et ont une fin !

 

Quand on sait que les chansons ont été créées par Yvette Guilbert (1865 – 1944), Marie Dubas (1894 – 1972) et Yvonne Printemps (1894 – 1977), on pourrait penser assister à un tour de chant un peu démodé. Mais non, il n’en est rien !

En lisant les titres, vous l’aurez compris, on a l’impression que ces chansons ont été écrites aujourd’hui, mais c’est surtout l’interprétation de Vanessa qui les rend des plus vivantes. Que de drôlerie dans son interprétation, des petits clins d’œil plein de sous entendus, un sourire malicieux… Vanessa n’hésite pas à terminer une chanson en tombant ivre morte sur la scène, ou commencer une scène couchée sur le dos, avec un pot de Nutella qu’elle savoure.

 

Quand on parle de spectacle vivant, ce spectacle mérite bien ce qualificatif. D’ailleurs, si par ce temps de grisaille, vous avez besoin d’un peu d’oxygène, profitez d’un mercredi pour faire le plein d’énergie et de bonne humeur à l’Atelier Théâtre Montmartre… vous pourrez dire que ce moment passé « c’est toujours ça de pris ! »

 

L’interview de Stéphane Ly-Cuong (S L-C) - Interview de Vanessa Hidden

 

 

MiE : Quand on écoute les chansons on est surpris par les textes, et pourtant on peut lire que rien n’a été changé.

S L-C : En effet, nous n’avons pas touché un seul mot du texte, la seule chose que nous voulions, c’était de ne pas le chanter comme à l’époque, en roulant les « r ». C’est Vanessa qui est venue vers moi avec ses textes. J’en connaissais très peu, j’avais entendu le « tango stupéfiant » et « quand on vous aime comme ça ». Ce qui m’a plu dans ces chansons, c’est le croustillant du texte, le côté moderne, le fait qu’elles aient beaucoup de verve, de couleur, mais aussi une certaine théâtralité : elles racontent une histoire, une situation. J’ai aimé pouvoir les utiliser comme matière pour un spectacle musical, plus qu’un simple récital. C’était l’époque des cabarets, et on amusait les gens. Ce n’était pas qu’une performance vocale ou quelque chose qui était lié à une médiatisation. Le texte et l’interprétation jouaient une part très importante.

 

MiE : Comment s’est fait le choix des chansons ?

S L-C : Vanessa avait déjà interprété ce type de répertoire, lors d’un récital.

Elle est venue vers moi avec l’idée d’en faire un spectacle musical construit avec une histoire. Vanessa s’était penchée sur ce répertoire, car le récital était une commande par rapport au répertoire de cette époque. A partir de cette base, nous avons choisi ensemble les chansons qui pouvaient rentrer dans une trame. Certaines nous plaisaient mais ne rentraient pas, donc (nous les avons sacrifiées) d’autres que nous ne connaissions pas, ont été ajoutées.

Nous avons étudié le répertoire de ces trois grandes Dames pour trouver ce que nous voulions.

 

MiE : Comment avez-vous fait pour en trouver, compte tenu du nombre de chansons de cette époque ?

Nous avons écouté tout Marie Dubas, et nous avons aussi effectué un travail de recherche sur des partitions. Pour certaines chansons comme « j’aime ça » ou la « chanson moyenâgeuse », Tristan Michel (le pianiste du spectacle ndlr) a refait les arrangements : il n’existe pas d’enregistrement de ces chansons.

Quand nous avons créé le spectacle, le fils de Marie Dubas était venu. Il a été très agréablement surpris d’entendre la « chanson moyenâgeuse » peu souvent entendue.

 

MiE : Et par la suite, c’est vous qui avez élaboré l’histoire ?

S L-C : Oui. Je voulais inscrire le texte dans quelque chose de moderne. Montrer que ces chansons s’inscrivaient parfaitement dans cette histoire. Ne pas faire une reconstitution d’une dame de la belle époque.

Pouvoir montrer que ces chansons pouvaient nous parler, nous faire rire, nous émouvoir, et raconter des situations tout à fait modernes.

 

MiE : Vanessa a une voix superbe, et dès la première chanson « C'est la saison d'amour »  elle nous montre qu’elle peut chanter sur une autre tessiture que celle de soprano.

S L-C : Au début elle chantait toute la chanson de la même façon. Mais on ne sentait pas assez le jeu de séduction Nous avons décidé d’essayer d’utiliser deux couleurs différentes de sa voix, et elle s’en sort très bien C’est un petit changement que nous avons fait cette année.

 

MiE : C’est la troisième saison que vous reprenez ce spectacle. « Saison », « Année », quand on parle d’un spectacle, on ne sait plus trop aujourd’hui. Qu’en est-il pour « c’est toujours ça de pris » ?

S L-C : La toute première version a été créée en 2007 au théâtre de l’Ile Saint-Louis. Puis reprise à l’atelier théâtre de Montmartre courant 2009 avec une pause pendant l’été, et à l’automne 2009 pour toute la saison.

Ici la Directrice du théâtre nous soutient énormément, ce qui n’est plus très évident aujourd’hui, on se sent entouré.

En plus nous sommes à Montmartre, pas loin du Moulin Rouge où certaines de ces chanteuses se sont produites. Il y a donc cet esprit Montmartrois que l’on retrouve, et c’est bien de pouvoir le jouer ici !

 

MiE : Avec Vanessa, vous êtes vous déjà produit en Avignon ?

S L-C : Non jamais. Nous aimerions beaucoup. Le problème d’Avignon est que cela a un coût assez élevé pour une jeune compagnie (location du théâtre, logement…..), l’idéal est d’avoir une subvention.

 

MiE : Ici, c’est vous qui produisez le spectacle ?

S L-C : On s’autoproduit. Nous avons créé cette compagnie, il y a un an et demi avec Vanessa pour être plus indépendants, gérer nous même les contrats avec les salles, avoir une entité. Ne pas avoir à passer par tel ou tel intermédiaire. Cela nous a donné une grande liberté, une grande énergie, de l’implication et de la motivation.

 

MiE : Comment avez-vous réussi à partir au Japon pour monter un spectacle ?

J’ai monté mon premier spectacle musical sur le répertoire des années 80 « Les Nouveaux Romantiques » en 2005 à l’Essaïon. Un des chanteurs, Mark Marian, m’a présenté Vanessa. Il chante beaucoup au Japon, surtout pour les périodes de Noël où sont invités des chanteurs français. La langue française est très appréciée. Il y a eu deux spectacles de Noël en 2006, à Tokyo, pour lesquels ils avaient besoin d’un metteur en scène, et c’est là que je suis intervenu. Les deux spectacles étaient : un quatuor vocal à capella, dont Vanessa faisait partie, et un duo féminin dans lequel il y avait Léovanie Raud. J’ai mis en scène ces deux petits événements, c’était une superbe expérience : partir avec des gens que j’appréciais et travailler là bas, c’était un peu surréaliste. Nous espérons y retourner. Vanessa y est retournée Noël dernier.

 

MiE : Sinon en dehors de ce spectacles, quelles sont vos goûts en matières de comédies musicales ?

S L-C : Ce qui m’a fait venir à la comédie musicale, ce sont les films musicaux que j’ai vus enfant qui m’ont énormément marqué : Mary Poppins et Peau d’Âne. Leurs points communs, la magie, le côté féérique. J’aimais cet univers déconnecté de la réalité.

Après, j’ai commencé à m’intéresser à la comédie musicale sur scène, quand j’avais 18 ans, j’ai vu Miss Saigon et Les Misérables. Ça a été un peu un choc, surtout vivant en France, je n’avais pas conscience que ce genre de spectacle existait encore. Pour moi, il appartenait à l’âge d’or d’Hollywood et je ne pensais pas qu’il vivait encore sous une autre forme. C’est à partir de ce moment là qu’il y a eu un déclic. Après, je suis allé étudier à New York, ce qui m’a permis de baigner encore davantage dans cet univers.

 

MiE : avez-vous des projets dont vous pouvez nous parler ?

S L-C : En juin dernier, j’ai présenté deux nouveaux projets de comédies musicales dans le cadre des lectures du réseau Diva. Cette fois si, sans utiliser de chansons existantes, mais dans la création. Un des deux projets devrait se faire en fin de saison « Cabaret jaune citron » avec Christine Khandjian. Une histoire plus personnelle, avec des musiques originales, qui parle d’un personnage qui rêve de comédies musicales… entre autre chose.

 

MiE : Vous en écrivez le texte ?

J’écris le texte et je coécris les paroles. Christine Khandjian écrit la musique et les paroles. Je fais la mise en scène.

 

 

Interview de Vanessa Hidden (VH) - Retour en haut de la page

 

 

MiE : C’est vous qui avez apporté les chansons initialement pour une commande.

VH : En effet, cette commande avait été passée pour un festival dans le sud de la France. Un ami pianiste m’a dit de fouiller un peu dans le répertoire de la belle époque et de la chanson réaliste. C’est comme ça que, tout doucement, j’ai découvert ces chansons.

 

MiE : Vous avez écouté des disques ?

VH : Non pas du tout, je ne me suis intéressée qu’aux partitions. Ce qui m’a permis de les interpréter comme on les lit, et non comme on les a entendues, avec le temps qui est le notre, le personnage qu’on a envie d’imaginer dans ces chansons. Je suis contente, car, c’est après que je suis allée à l’écoute de ces artistes et là, j’ai réalisé le décalage complet. Ce ne sont plus les mêmes chansons en fait !

MiE : …tout en gardant le texte !

VH : Oui, ça pourrait être écrit maintenant.

 

MiE …sauf qu’aujourd’hui, les chansons sont rarement construites…

VH : C’est moins imagé.

Ici, tel que c’est écrit, c’est plein d’images. On voit l’histoire.

 

MiE : Votre interprétation donne aussi quelque chose de très amusant.

VH : Le personnage, Stéphane l’a fait un peu sur mesure, en poussant un peu certains traits.

 

MiE : Pour illustrer ceci, pouvez-vous nous rappelez une des premières phrases dites sur scène

VH : « On va faire connaissance, mais pour commencer, je vais vous parler de moi ! »

 

MiE : Le ton est donné ! et un peu plus tard, que dit-elle aimer ?

VH : « J’aime les grands espaces, le grand Canyon et le square des Batignolles »

C’est farfelu, c’est du Stéphane. Ça met l’aise.

                                   Crédit photo : Geneviève Krieff

 

MiE : Quels sont vous goûts en matières musicales ?

VH : J’ai un bagage lyrique, opéra. Je suis allée loin dans mes études, jusqu’à la médaille d’or du conservatoire, mais j’aime ce qui est comédies musicales de Broadway (Gershwin, Bernstein). J’ai appris ça au conservatoire aussi. Les comédies musicales françaises, je ne les connais pas trop. Il y a une autre façon d’écrire. Aux États Unis, on apprend tout, on danse, on chante, on joue la comédie.

 

MiE : La première comédie musicale que vous avez vue ?

VH : J’aime écouter, mais je n’en ai jamais vue ni à Londres ni à New York.

 

MiE : Vous n’avez jamais été tentée ?

VH : Si j’adorerai, ça viendra sûrement un jour…

Par contre je vais à l’opéra. J’ai aimé Madame Butterfly à l’opéra Bastille

 

MiE : Au niveau classique, quel est le rôle que vous avez interprété et qui vous a le plus touchée ?

VH : Puccini, « La Bohème ». C’est d’ailleurs avec un air de Mimi que j’ai passé des concours et c’était vraiment très beau. J’aurais aimé jouer ce rôle là, à l’opéra.

Mais… j’ai bifurqué un peu, on ne peut pas tout faire.

L’opéra ça demande beaucoup au niveau de la vie, de l’engagement. Quand on veut être une diva, une cantatrice, on vit pour le chant, pour son corps, son hygiène de vie.

Ici, je suis engagé aussi physiquement, mais en continuant d’allier les plaisirs à la vie !

 

MiE : On voit dès les premières notes (« c'est la saison d'amour ») que vous avez une formation classique.

VH : Parce que c’est de l’opérette avec Yvonne Printemps, c’est ce qui donne ce côté plus léger.

 

MiE : Ce qui est un peu dommage, c’est que vous êtes en noir, et le fond de la scène l’est aussi. Ça fait un peu sombre. Par la suite, vous mettez de superbes boucles d’oreilles, un boa rouge, ce qui donne de la couleur.

VH : C’est le parti pris du costumier qui a créé la robe, et qui aimait l’image du décolleté afin de garder l’image du visage et des mains.

 

MiE : Quels sont vos projets ?

VH : En 2011, en principe une création qui se monte tout doucement et qui rendra hommage à Colette Renard.

 

Crédit photo : Stéphane Ly Cuong

 

MiE : Pour notre part, c’est sûr nous viendrons !

 

En attendant, chers lecteurs, n’hésitez plus, et venez le mercredi soir voir « c’est toujours ça de pris ! »

 

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 © Régis Gayraud / Musicals in Europe