Critique du spectacle
Jacques Dau et Jean-Marc Catella interprètent tous les soirs, au petit Hébertot, une douzaine de personnages clés de l’affaire Sacco et Vanzetti. Ils se livrent à un véritable tour de force pendant 1h30 dans un décor simple, constitué de 7 chaises et d’une vidéo reprenant des images d’archives.
Au lieu de reprendre l’histoire au départ, l’auteur, Alain Guyard, a choisi de la faire démarrer peu avant l’exécution des deux protagonistes.
Mais ce n’est pas pour autant que la pièce se déroule uniquement dans une cellule. Bien au contraire, les personnages évoluent dans de multiples lieux recrées astucieusement par la mise en scène de François Bourcier qui, avec de simples éléments de décors ajoutés aux chaises, plonge le spectateur du tribunal à une salle d’interrogatoire, en passant par le bureau du gouverneur.
Du fond de leur cellule, Sacco et Vanzetti revivent, et font revivre aux spectateurs, les moments clés qui les ont conduits là où ils en sont. Jacques Dau et Jean-Marc Catella interprètent des agents de police, des magistrats, des témoins ou, devrait-on dire, pseudo témoins à qui l’ont fait comprendre qu’il faut qu’ils répètent ce que l’on leur a dit de dire.
Les comédiens sont excellents, capables de passer d’un personnage à un autre (y compris des femmes), d’un sentiment à un autre.
Tout cela, jusqu’au moment qui va précéder leur exécution. Moment intense pendant lequel un des personnages explique avec force de détails, comment doit être « préparé » un condamné à la chaise électrique, afin que son exécution soit « réussie ».
Mais avant cela, il y aura un dialogue implacable entre Bartolomeo Vanzetti et le gouverneur, pendant lequel ce dernier démontrera en trois points pourquoi il ne peut gracier Vanzetti. Tout est politique, rien n’est humain. Tout est décidé, la justice est oubliée au profit de l’exemple.
Ainsi, le spectateur sera témoin de la disparition des sacs de pétitions venus du monde entier en faveur des deux condamnés, des faux témoignages, ou encore des incohérences les plus flagrantes lors de l’enquête.
L’auteur présente au spectateur une page d’histoire certainement assez méconnue pour un grand nombre, mais que cette pièce a le mérite de mettre à la portée de tous.
Cette version de « Sacco et Vanzetti » a été présentée avec succès il y a 3 ans au festival off d’Avignon au théâtre du Chêne Noir. Il a fallu du temps pour que le spectacle arrive enfin à Paris. On comprend, en le voyant, pourquoi il a été un succès.
Profitez de sa production à Paris pour apprécier le talent de deux comédiens, que vous ne connaissiez peut être pas sous ce jour.
Régis Gayraud
Synopsis raconté par l’auteur Alain Guyard
Nicola Sacco dans sa cellule à quelques heures de mourir... La lumière de l’unique ampoule faiblit parce que l’on prépare la chaise électrique à six pas de là… Son compagnon de lutte et d’infortune Bartolomeo Vanzetti apparaît soudain. Délire dû aux vingt-six jours de grève de la faim ? Hallucination à cause des tranquillisants des médecins auxiliaires de la mort ? Rêve éveillé ? Vision ?..
Qu’importe ! Ils se remémorent leur procès, rejouent les témoignages grotesques, les manipulations et les chantages abjects des policiers et des politiciens. Leur personnalité se dissout et empreinte celle de ces visages amis ou hostiles qui marquèrent leur calvaire de sept ans lors duquel ils attendirent qu’on les tue. Ils sont la secrétaire qu’on intimide pour un faux témoignage, le camarade qu’on met au chômage parce qu’il refuse de mentir à la barre, le gouverneur qui va au tribunal comme aux jeux du Cirque, les flics pourris qui font la chasse aux immigrés. Visages et spectres fugaces, pâte humaine aux cent visages brassée par l’Histoire.
Puis ils reviennent à eux, Sacco, le petit cordonnier pleurant sa femme et ses gosses, terrorisé par la mort, et Vanzetti, le militant libertaire, solide comme un roc qui devra gagner l’ultime lutte, ne doutant jamais de la victoire de la cause.
Mais Vanzetti comprend alors que la plus grande des épreuves qui l’attend n’est pas de faire triompher la révolution par son sacrifice. Ce sera d’aider son frère Sacco à mourir en homme libre…
Dau & Catella, c’est une belle histoire d’amitié. Depuis plusieurs années, ils forment un duo étonnant, se produisant sur les scènes françaises, belges et suisses avec un succès sans cesse renouvelé…
A leur actif : One Man Show pour Deux (plus de 1000 représentations en France, Belgique, Suisse, Espagne, Afrique et Canada !).
En 1989 L’Etroite Moustiquaire (sacré meilleur spectacle comique au Festival d’Avignon 95) La minute inutile (délire radiophonique sur Radio Nostalgie) et plus récemment sur France Inter dans l’émission de Stéphane Bern Le Fou du Roi, Le Vol des Bougons et Mais Qui est Donc Quichotte ? création au Festival d’Avignon 97, Dau et Catella et non pas le contraire (création Avignon 2006 et 2007, Le Café de la Gare à Paris 2006) , Sacco et Vanzetti (création Avignon 2009), reprise de Mais Qui est Donc Quichotte ? (nouvelle mise en scène de Gildas Bourdet) Ils co-écrivent et jouent aussi avec Vincent Roca Se moquing, no se moquing en 1998, avec Ged Marlon Un simple froncement de sourcil en 2000.
Ensemble, ils jouent dans de nombreuses pièces, notamment avec la Cie de La Reine du Théatre Montansier (Versailles), Maître Puntila et son valet Matti (B. Brecht) 2002 - La puce à l’oreille (Feydeau) 2002 - Les Caprices de Marianne (Musset) 2003- Les Fourberies de Scapin (Molière) 2003, Le Bourgeois Gentilhomme (Molière) 2004
Quand on demande aujourd’hui qui sont Sacco et Vanzetti, une frontière se forme entre ceux qui plus âgés se souviennent de cette triste affaire et les autres, plus jeunes qui ne la connaissent pas du tout.
Alors quand on fredonne l’air de Joan Baez, la chanson, elle, fait l’unanimité.
Tant mieux et dommage tout à la fois pour ces deux noms qui marquent à jamais l’histoire de l’injustice, de l’intolérance et de la discrimination.
En effet, ces deux hommes ont porté tout cela jusqu’à en mourir !
Mais cette histoire, ô, combien triste, symbolise également la fraternité, le courage, et l’ idéal de liberté.
Alors qui mieux que deux artistes se connaissant parfaitement et dont la complicité à la scène comme à la ville est sans faille, pouvait porter haut le flambeau de cette pièce.
Qui mieux que deux artistes pour lesquels l’absurde et le rire, la tendresse et la nostalgie ne font pas peur, pouvait se permettre d’endosser les multiples personnalités de ce spectacle!
Voilà pourquoi le choix immédiat de Dau et Catella.
Alchimie parfaite qui nous fait oublier Gian Maria Volonté et la musique d’Ennio Morricone.
Ils sont Sacco et Vanzetti !
Tous deux de culture méditerranéenne, ils offrent à la pièce toutes ses nuances, du rire aux larmes, du grotesque au sublime comme l’a été cette vraie parodie de justice.
Nul besoin d’encombrer l’espace d’un décor imposant. Eux deux, devant, dans des univers lumineux qui suggèrent l’espace et le temps. Ce temps si court qui précède leur exécution.
Suggérée également, la terrible présence de la peine ultime, cette mort électrique qui plane partout.
Ultime rencontre imaginaire de deux frères de combat, que l’on isole, mais qui, au delà des murs se retrouvent en esprit pour franchir ensemble la porte de la mort et rentrer dans l’histoire.
L’univers musical forme comme un décor et structure l’espace jusqu’à le tordre.
Quelques accessoires et des éléments simples de costumes marqueront, restitueront l’époque.
Un cri lancé comme un hommage à la Liberté de l’être.
François Bourcier
Théâtre du Petit Hébertot - 78 bis boulevard des
Batignolles - 75017 PARIS. Depuis le 13 octobre. Tarifs : 26€. Réservations : - par Internet |